Évasion à Königstein

"La forteresse royale de Königstein se trouve en Allemagne, pas loin de Dresde. Réputée imprenable, il était pratiquement impossible de s'en évader. Le général Giraud, en 1942, fut le seul à réussir cet exploit."

Nulle part n'est mentionnée dans la longue histoire de cette forteresse, qui fut déjà utilisée comme un camp pour les prisonniers français en 1870, une autre évasion, celle de notre grand-père, en 1915. Son souvenir était resté dans l'histoire familiale, comme celui d'un exploit absolument incroyable, digne de "La grande illusion"... Mais avec le temps ce souvenir devenait de plus en plus lointain, de plus en plus flou.

C'est en essayant de faire revivre ces souvenirs, et grâce à la découverte - inespérée - de quelques documents "perdus", que nous avons commencé à rédiger ces lignes. Et que nous avons été amenés sur les traces des protagonistes de cette histoire, de Dannevoux à l'Allemagne jusqu'à Moscou, Tachkent et Samarcande. Au cours de ce voyage dans le temps qui nous a emmenés non seulement à rechercher les faits mais aussi à essayer de nous mettre à la place de ceux qui les avaient vécus, pour relier les chaînons manquants, ils sont redevenus proches de nous.

En janvier 2020, lorsque nous avons commencé ce récit,  est sorti un film qui s’appelle « 1917 ». L’auteur, le cinéaste américain Sam Mendes, en a conçu l’idée lors de la commémoration du centenaire de la Première Guerre mondiale, lorsqu’un doute s’empare de lui : un jour viendra où la mémoire de ce passé aura disparu. Il faut qu’un film la célèbre et invite à s’y replonger d’une manière inédite, excitante. Il va s’inspirer des Mémoires de son grand-père Alfred Mendes, originaire des Caraibes, qui s’engage à 16 ans sous les drapeaux britanniques et se retrouve soldat dans les Flandres .

« Ce que j’ai appris de mon grand-père, c’est que cette guerre n’était pas une histoire d’héroïsme ni de coups d’éclat militaires. C’était une histoire de moments accidentels, de coïncidences, de chance. Et c’est ce que j’ai voulu montrer dans mon film. Combien était fragile la limite entre ceux qui allaient vivre et ceux qui allaient mourir », dit Sam Mendes.

Contrairement au grand-père de Sam Mendes, notre grand-père Léon Dormois n’a pas écrit ses Mémoires. Il aurait pu le faire, car c’était un homme de l’écrit. Il aimait les livres, il aimait la connaissance, et aussi la transmission. Il n’avait sans doute pas choisi par hasard son métier d’instituteur. A nous, ses petits-enfants, il profitait de toute occasion pour enseigner quelque chose. En promenade, nous devions mémoriser le nom des plantes et des fleurs. Mais j’ai surtout souvenir de lui assis à son bureau, lisant un livre ou le journal ou écrivant sa chronique pour l’Est républicain, dont il était le correspondant pour Dannevoux.

Dannevoux est un petit village lorrain situé à 40 kms de Verdun, région qui a connu en 14-18 des combats meurtriers restés dans l'histoire. Mais les hasards de la guerre ont épargné la vie de notre grand-père et l'ont conduit dans des lieux, au contact de gens, qu'il n'aurait pas connus dans des temps ordinaires.

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