22. Léon et Vladimir : notre histoire

Les cousins ont réagi presque tout de suite à la lecture de ce récit. Ils ont été heureux de voir revivre ce grand-père qui nous a tous marqués, et de connaître plus précisément ses aventures de guerre. Ils apportent leurs propres souvenirs... qui complètent et parfois corrigent les miens. Et certains donnent sinon la réponse, au moins un éclairage sur certaines questions.

Nous commencerons par l’information capitale qu'apporte Marie-France:

« C’est à Vaux-les-Palameix, village (presque?) entièrement détruit pendant la guerre et reconstruit provisoirement en planches (l’école, notamment), que le grand-père est d’abord nommé. En témoigne le lieu de naissance, le 2 mai 1920, de Robert. Sur Wikipedia, Vaulx-les-Palameix apparait comme une commune d’actuellement 57 habitants (1911: 237 – 1921: 71); il est bien mentionné que l’église a été reconstruite en 1926. »

Ainsi, à la date où vraisemblablement le grand-père reçoit la lettre du Gabbine, il habite non dans le beau bâtiment de l’école de Dannevoux, comme je le voyais en imagination, mais dans une baraque en planches (l’instituteur logeait à l’école) avec sa femme et un nourrisson. On voit là qu’il n’est guère mieux loti à ce point de vue que son camarade, et cela explique bien sa réponse à la lettre de Moscou. C’est avec le recul que nous voyons que sa vie est très différente - il exerce son métier, mange à sa faim, a un enfant et peut envisager l’avenir avec optimisme, ce qui n'est pas le cas de Vladimir. Et chacun d’entre eux ne peut guère imaginer la situation de l’autre dans tous ses aspects. Nous mêmes, c’est après tout ce temps que nous avons pu  essayer de comprendre certaines motivations qui ont dû les animer dans leurs actions de cette époque.

Vaux-les-Palameix (wikipedia et https://vauxlespalameix.pagesperso-orange.fr/histoire.htm)

Situé dans le fameux saillant de Saint-Mihiel en 1914-1918, le village de Vaux-les-Palameix fut entièrement détruit pendant la guerre. Il fut reconstruit un peu plus bas que son ancien emplacement, et l’église, reconstruite toute neuve en 1926, s’élève à la place de l’ancienne qui datait de 1829.


Vaux-Les-Palameix est un des villages tués pour ainsi dire par la guerre. Il comptait 237 habitants en 1913 et 86 en 1923.

Avant 1914, Vaux Les Palameix était surtout connu par ses oseraies et sa vannerie célèbre dans toute l’Europe. Marie-France ajoute un souvenir concernant ce village qui nous fait retrouver les jours heureux de notre enfance à Dannevoux :

« On trouve aussi, sur le blason élaboré récemment (2014) un panier d’osier. La légende familiale voulait que ce soit en souvenir des vanniers de ce village que Mamie continuait d’acheter ses paniers aux nomades (gitans ?) qui passaient une fois par an à Dannevoux. »

J’ai aussi en mémoire ces passages de ceux que mamye appelait les « camps-volants » (j'entendais, moi, « canvolants » en un mot). J’ai retrouvé cette appellation dans un livre sur les gitans.

Marie-France :

- «les „grands-parents de Sivry“ (les parents du grand-père) étaient pauvres et accueillants. Je croyais qu’ils étaient seulement agriculteurs. Ils ne comprenaient guère l’intérêt de la culture intellectuelle et le grand-père devait se cacher en haut d’un arbre pour lire plutôt que d’aider à faire le jardin. Mamie Clotilde se souvenait avec émotion de l’accueil de sa belle-mère, qui disait „Avec la Clotilde, c’est facile; il suffit de lui faire des pommes de terre et de la salade“.

- les „grands-parents de Consenvoye“ (les parents de la grand-mère) étaient plus réservés et intellectuels; le grand-père était directeur d’école. »

Moi aussi, j’ai toujours entendu parler du grand-père Eugène et de sa femme comme des agriculteurs, alors que mamye dit dans l’enregistrement qu’il était coiffeur, et de braves gens.

Annie confirme que le grand-père Eugène était coiffeur, et qu’il coupait les cheveux aux enfants dans son « salon » à Sivry, en fait une pièce de la maison aménagée en salon de coiffure.

-« J’avais compris que le grand-père avait appris du russe avec son camarade de détention et que la dernière langue qu’il a commencé à apprendre était l’anglais, dont il étudiait la méthode Assimil le jour de sa mort. »

Mon souvenir m’aurait-il trompée? Pourquoi alors ne m’aurait-il pas appris l’alphabet russe pendant ces vacances d’été avant mon entrée en 4ème où je devais commencer le russe, et a-t-on engagé Elisabeth Valsecchi pour me l’apprendre ? Peut-être révisait-il le russe et apprenait-il l’anglais sur ses vieux jours ?

Alain :

«Merci pour l ' envoi merveilleux, reçu ce matin, dont j'ai "avalé" le contenu avec sans doute un peu trop de précipitation, cédant à une curiosité bien naturelle. Bien entendu, je reviendrai et reviendrai encore sur ces documents dont j'ai apprécié la qualité stylistique et le travail de recherche. Je vous en remercie de tout coeur. Ce retour vers le passé glorieux de notre grand-père et l' intérêt que vous lui portez m'ont permis, si besoin était, de mesurer à quel point la famille Dormois m 'est précieuse /... / Nous devons chacun beaucoup à notre Léon, personnalité forte et éclectique dont la curiosité intellectuelle a su nous marquer. A titre personnel et sans le quart de son talent, n' ai-je pas été professeur de langue, sportif médiocre mais assidu et musicien raté mais passionné ?

PS ( pour faire plaisir à Michel qui adore ces deux lettres) : rectification de la plus haute importance : la chute spectaculaire qui me laissa ensanglanté puis recousu de quelques points que je garde en souvenir sur mon crâne déplumé, ne s’est pas produite sur la côte de Gercourt mais près de la Meuse devant la gare. Evidemment, ça change tout ! C'était ma précieuse contribution à ce dossier... »

(A SUIVRE)